Martine (ou Pauline) fait les courses

L’un des trucs les plus sympas quand on est dans un pays étranger c’est bien de faire les courses. Un magasin à l’étranger, c’est un véritable terrain de jeux. Tout y est «　bizarre» (ah c’est bizarre ça !), ou «　marrant　» (ah c‘est marrant ça !) , ou encore «　chelou　» (ah c’est chelou ça !).

La bouffe insolite, les différentes proportions de bouteilles (7 litres!), les trucs indéfinissables, ceux dont on ne comprends même pas s‘ils sont comestibles ou pas («　Non Pauline, ça c’est des suppositoires !　»)

A Sariyer, il est possible de faire les courses à toutes heures. De nombreux petits magasins d’　«　arabes　», comme on les appelle en France, sont ouverts toute la nuit. Une bonne chose quand on est en panne de cigarettes ! Dans mon quartier, le plus grand magasin, le Sariyer Market, comporte 3 rayons. La fête! Et pourtant, moi en tant que non-turque, 3 rayons dans un magasin turc équivaut à plus d’une heure trente de shopping.

A l’époque, quand je faisais les courses en France avec mes amies étrangères (Regina l’allemande et Monika la tchèque), je m’impatientais régulièrement devant le temps inconsidérable qu’elles passaient dans les rayons. Plantées devant le rayon «　bouteilles d’eau　», elles restaient là, les yeux ronds, la bouche entrouverte en hésitant comme si leur vie en dépendait. Diantre! J’explosais à chaque fois:

«　BON !! la Contrex c’est pour perdre du poids, l’Hépar c’est pour faire caca, et la Badoit c’est pétillant, ok ?!!　»

C’est en ce jour que je leur présente mes plus plates excuses, car je comprends exactement le sentiment qu’elles ressentaient. Je le ressens à présent.

Car les premières courses sont pas faciles : on se plante ! Je me souviens de mon autochtone qui, quand il était en France, avait cru avoir acheté de la sauce tomate mais s’était en réalité retrouvé avec des raviolis en boite. De mon coté, je peux passer 40 minutes face aux bouteilles de lait, en essayant de me rappeler comment on dit «　demi-écrémé　» en turc. L’autre jour, je me suis justement trompée, et je suis tombée sur du lait entier, carrément dégueu avec un goût genre "tout-juste-sorti-du-pie". Depuis, j’ai compris : demi-　écrémé se dit «　yarım　».

Du coup, pour réduire mon temps dans les magasins turcs, et pour être plus efficace, je me prévoie une liste. Oui, une liste, comme ma grand-mère et certainement comme la votre. Ca nous évite ainsi les mauvaises surprises. Par exemple, dans mon quartier, j’ai tendance à aller dans les petits magasins pour ne pas payer trop cher. Or dans ces magasins, il faut peser ses fruits et légumes soit même, et bien sur les étiquettes ne présentent pas des petites dessins mais simplement le nom du fruit ou légume - en turc -　. Ce genre de détails, évidement, on n’y pense jamais à l‘avance ! Alors, oui, je prends toujours mon dictionnaire avec moi dans les magasins…

Depuis que je suis en Turquie, j’ai du changer mes habitudes alimentaires. Car forcément, on ne trouve pas les mêmes produits qu’en France (excepté pour les gâteaux et sucreries). Je ne vais pas vous mentir à ce sujet, le porc me manque : bacon, lardon, ou simple tranche de jambon, le porc constituait une grande partie de mon alimentation en France. Autre chose qui me manque : le fromage. Bien que les turcs ont un choix varié de fromages, très peu me donnent entière satisfaction niveau goût (car justement, ils n’en ont pas beaucoup, du goût). A part certains qui sont assez chers finalement. Les bâtonnets de crabe me manque aussi , et en règle générale tous les produits dits «　pour célibataire　» prêts à être consommés une fois l‘emballage enlevé !

Je dois apprendre à cuisiner, chier merde !!! Fini le sachet de riz Uncle Ben’s à mettre 1min au micro-onde… ‘Pis d’abord, j’ai pas de micro-onde chez moi. Un four, oui, des plaques gaz, oui, mais alors un micro-onde, MON ustensile de cuisine, non.

Alors dans les magasins, je mets en place des stratégies de fous-dingues avant d’acheter quoi que ce soit: «　Si je prends du riz, il faut que je prenne autre chose, je ne vais pas que manger du riz… Bon alors trois oignons, 1 citron et trois carottes… Ah merde et puis de la sauce tomate aussi… Oui mais je vais acheter de l’eau aussi, pour cuire tout ça… Et puis un peu d’épices»… Et patati et patata…

Je découvre la vie en fait.…

«　Ah bon on n’égoutte pas le riz ?　»

«　Ah bon la salade faut l’éplucher ?　»…

Et après, une fois les produits choisis, il faut passer à la caisse, et prier pour qu’il n’y ait aucun problème. Sinon le caissier s’adresse à vous, et là on s’en sort plus..?

Un fois, justement, au moment de payer, je sors mon argent que je tends à la caissière. Là, elle tire une moue et me dit «　fhjezrioghdjs　!!!　», et moi «　euh, moi yeunna pas comprendre, moi yeunna pas turque　»… Et elle, répétant en criant (comme si j’allais mieux la comprendre parce qu’elle crie !) : «　fhjezrioghdjs　!!!　fhjezrioghdjs　!!!　».

Finalement, elle a refusé mon argent, et j’ai du laisser tous mes articles sur le tapis… En arrivant chez moi, je me suis jetée sur Google Translation, et j’ai compris qu’elle me refusait mon argent parce que je n’avais pas la nouvelle monnaie turque. (Oui les turcs ont changé de monnaie en janvier dernier)… Ceci explique donc cela !!!

Dans les magasins turcs, j’ai aussi eu la surprise de redécouvrir les sacs plastiques ! Vi vi vi !! Parfois même on a le droit à un sac plastique noir quand on achète de l’alcool, pour la discrétion quoi… On se croirait presque en période de Prohibition…

Et puis ils ne lésinent pas sur les sacs ici. Quelques mois que je me suis installée à Istanbul et voilà déjà que mes tiroirs débordent… Je me suis toujours demandée ce que les gens en faisaient. C’est un jour que je me baladais le long du Bosphore que j’ai compris : ben oui tiens, il suffit de les jeter dans la mer !…

 Bon alors pour résumer :

T'es dans un pays étranger, t'as deux heures à tuer avant un rendez-vous ? File au supermarché !!!